Com.New : L’impossible mission généraliste des quotidiens
Le public reproche beaucoup aux journaux leur similarité excessive, le fait qu’ils parlent souvent tous de la même chose au même moment. De leur côté, les médias imprimés s’imposent une sorte de tronc commun informationnel, basé sur la bonne vieille idée du quotidien de référence exhaustif et généraliste, du journal qui ne peut pas exister sans toucher tous les publics.
Coûteuse, complexe et peu créatrice de valeur ajoutée, cette mission généraliste n’est pourtant pas demandée par l’audience, qui, ne dépendant plus d’une seule source pour s’informer depuis déjà plusieurs décennies, n’a aucun problème à composer seule son propre panaché généraliste.
Dans un excellent entretien à Libération, Marcus Brauchli, directeur de la rédaction du Washington Post, partage sa vision de sa mission. « Nous n’avons pas forcément besoin de faire tout ce que nous assurions auparavant. Nous ne serons pas le quotidien de référence parce que, franchement, ça n’existe pas. Faire tout pour tout le monde, c’est une recette pour le désastre. Le quotidien de référence c’est Internet, où on trouve tout. »
Ce problème, cette inadéquation entre l’allocation des ressources et les attentes de création de valeur ajoutée des audiences, se range dans la même famille qu’une autre difficulté de l’industrie : l’incapacité à envisager le changement comme nécessaire et naturel. Et ce dans un cadre général, où malgré les innombrables faits chiffrés prouvant le déclin, la question même de l’existence d’un problème de fond devant être résolu semble encore ouverte.
Pour y faire face, deux stratégies. Persister, et espérer que les audiences changent d’avis sur le long terme, quitte à risquer de signer son propre arrêt de mort. Ou évoluer, et axer sa stratégie sur la création de valeur ajoutée, quitte à accepter la nécessité d’une adaptation permanente. Le quotidien qui a fait tomber le président Nixon a pris son parti : « Nous devons sans cesse innover en réfléchissant à ce que nous offrons à nos lecteurs ».
En termes plus pratiques, la stratégie éditoriale du WaPo peut se résumer à un retour aux fondamentaux du journalisme, à la curiosité première des individus qui composent les rédactions, à la création d’une valeur ajoutée unique au média, « à donner davantage de temps et d’espace à nos rédacteurs pour faire du journalisme vraiment original, important et ambitieux ».
Comme souvent, on arrive à une question de rôle, de mission sociétale, au sein d’un processus qui ne peut pas être considéré comme figé, et ce même si la période n’était pas aussi pleine de bouleversements. « Ces dernières années, nous avons très sérieusement réfléchi à ce que nous sommes et devons être ».
Certains médias suivront cette piste de réflexion, tireront leurs propres conclusions originales et redéfiniront les bases d’une identité forte. D’autres penseront que la crise passera et que ces questions sont inutiles. Tous doivent se rappeler que le public, lui, donne déjà des réponses fermes.
Clément Charles | ToutLeContenu.com